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Publié le 20/09/2021

La reprise dépend de nombreuses pièces d’un vaste puzzle

Le consensus des économistes semble considérer que les vaccins s'avéreront efficaces pour limiter les hospitalisations, permettant ainsi aux économies ayant un taux élevé de vaccination d'éviter de nouvelles mesures de confinement. Un examen plus approfondi suggère toutefois qu'il ne s'agit là que d’une seule pièce d'un puzzle beaucoup plus vaste qui doit se mettre en place pour que les prévisions du consensus se réalisent.

Si l'on se concentre sur les États-Unis et la zone euro, le consensus prévoit que le PIB réel en 2022 sera supérieur d'environ 6 % et 2 %, respectivement, aux niveaux d'avant la crise. Un élément central de cette vision est que les gouvernements gèrent sans heurts la levée des mesures temporaires, conçues pour protéger les entreprises et les ménages des retombées économiques des confinements, tout en assurant un soutien suffisant pour qu'une reprise ferme s'enracine.

L'investissement public, centré sur la transition climatique et la digitalisation, est un élément clé des plans de relance des deux côtés de l'Atlantique. Ces plans sont judicieux à bien des égards : stimuler la reprise tout en améliorant la croissance potentielle. En outre, étant donné que de nombreux pays adoptent simultanément de telles mesures, nous devrions en principe observer des effets d'entraînement positifs.

Toutefois, les plans d'infrastructure sont souvent soumis à des phases d’implémentation longues. Par ailleurs, bien que la mise à niveau des infrastructures existantes soit plus rapide, les gouvernements peuvent être confrontés à des difficultés pour trouver les matériaux et la main-d'œuvre nécessaires. Les aléas de la pandémie, avec des arrêts soudains de l'activité dans plusieurs secteurs suivis des redémarrages rapides au moment des réouvertures ont déjà mis à rude épreuve les chaînes d'approvisionnement mondiales. En outre, la disponibilité de main-d'œuvre s'avère déjà un défi pour de nombreuses industries.

Les banques centrales supposent que ces frictions dans les chaînes d'approvisionnement et les marchés du travail seront transitoires. Il en va de même pour le consensus, qui envisage qu’au printemps prochain, les pressions inflationnistes se seront atténuées. Cela implique une autre hypothèse clé selon laquelle les banques centrales adopteront un resserrement très graduel de leur politique monétaire.

Néanmoins, la persistance des taux d'intérêt réels a des niveaux historiquement bas des deux côtés de l'Atlantique reste surprenant avec la reprise en vue. Une explication possible est que les marchés financiers ont une vision plus sombre que le consensus des économistes sur les perspectives économiques. Cela ne cadre toutefois pas avec la flambée des prix des actifs risqués. Une autre explication est que les banques centrales continueront à comprimer les rendements des obligations d'État et utiliseront des outils macro-prudentiels pour réduire tout excès sur les marchés du crédit au secteur privé. Bien qu'une telle voie soit possible, il semble optimiste de supposer que cela puisse être géré sans heurts, sans créer d'effets indésirables et notamment des effets d’éviction d’investissements privés.

Dans le même temps, les banques centrales sont conscientes que toute réévaluation soudaine des anticipations de taux d'intérêt pourrait déclencher une correction brutale et potentiellement désordonnée des prix d’actifs risqués. Dans ce contexte, les réunions annuelles de la Réserve fédérale et de la Banque centrale européenne, dans les semaines à venir seront riches en discussions.

Le renforcement de la confiance des ménages et des entreprises est également clé pour la reprise. L’hypothèse implicite du consensus est que les consommateurs seront disposés à réduire leur niveau d'épargne et à dépenser une partie des économies « forcées » par la pandémie. Une préoccupation à cet égard est que cette épargne est concentrée sur les ménages les plus aisés avec une faible propension marginale à consommer. Un environnement toujours incertain peut, en outre, voir l'épargne « forcée » devenir une épargne de « précaution ».

Le consensus mise également sur l’idée que la reprise dans les économies avancées se répercute sur les économies émergentes, mais un grand nombre de ces dernières sont confrontées à une situation sanitaire encore très difficile. Le risque de tensions commerciales et géopolitiques constitue une autre préoccupation.

Comme tout puzzle, les pièces qui constituent la reprise sont liées les unes aux autres et leur assemblage pourrait bien s'avérer plus difficile que le consensus et les marchés ne le prévoient actuellement.

Michala Marcussen, Chef Economiste du Groupe et Directrice des Etudes économiques et sectorielles