Une œuvre, six musiciens, mille attentions
Interpréter le Sextuor Souvenir de Florence de Tchaïkovski, c’est s’embarquer dans une pièce d’une grande puissance émotionnelle et d’un haut niveau d’exigence dans le travail d’ensemble. Pour la tournée « Un Été en France » 2025, Coline Moreau, Léon Haffner, Gatien Leray, Quentin Vogel, Maxime Grizard et… Gautier Capuçon – en violoncelle 2 – s’y attellent pour trois concerts les 15, 16 et 17 juillet, à Clef Vallée d’Eure, Avranches et Clohars-Carnoët.

De gauche à droite et de haut en bas : Quentin Vogel, Gatien Leray, Léon Haffner, Maxime Grizard, Coline Moreau et Gautier Capuçon
Pour Coline Moreau, 24 ans, altiste en troisième année de licence au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) de Paris, la préparation individuelle est la première étape : « Je travaille d’abord seule, j’écoute plusieurs enregistrements de la pièce, et je repère les moments où j’accompagne, ceux où j’ai un thème (une partie seule, ndlr), ceux où je suis avec le premier violon ou le deuxième violoncelle, etc. C’est primordial pour comprendre mon rôle et celui des autres. » Elle ajoute : « Un sextuor, ça doit sonner comme un mini-orchestre. À six, nous devons jouer comme un seul musicien. »
Le plaisir et l’exigence du collectif
Même discipline du côté de Gatien Leray, altiste de 23 ans, diplômé de la Haute école de musique de Genève. Il est le premier alto pour cette interprétation de l’œuvre de Tchaïkovski. « D’abord, j’écoute un enregistrement avec toutes les voix, pour construire des repères auditifs et comprendre les dialogues : entre le premier violon et le premier alto, par exemple. Ensuite, je travaille seul avec la partition, en me concentrant sur mon rôle de premier alto. L’alto 2, que jouera Coline, vient renforcer l’harmonie, c’est très complémentaire. »
Coline est également violoniste en master 2 au CNSMD de Paris dans la classe de Peteri Livonen. « L’alto, c’est presque le même instrument que le violon… En tout cas, je suis la même musicienne ! assure-t-elle. L’alto m’apporte un son plus rond, plus chaud. Et chez les altistes, l’ambiance est très amicale, bon enfant. »
Travailler tous ensemble… les yeux fermés ?
Quentin Vogel, 24 ans, jouera le second violon. Ce diplômé du CNSMD de Lyon connaît déjà l’œuvre, mais… avec une autre partie ! « Ce n’est pas évident, car on a des réflexes qui ne servent plus, des repères à oublier. Il faut presque tout réapprendre, mais avec la mémoire de l’autre rôle. »
Maxime Grizard, 18 ans, violoncelliste en deuxième année de licence au CNSMD de Paris, cite cette phrase célèbre du chef d’orchestre Carlos Kleiber à ses musiciens : « Arrêtez de vous suivre, jouez ensemble une bonne fois pour toutes. » Il analyse : « Le pire, c’est quand tout le monde attend tout le monde au début… Et que personne ne part ! Pour réussir, il faut respirer ensemble. Prendre le risque de se lancer. » Et il propose une idée originale : « Travailler les yeux fermés : on se rend compte alors que ce n’est pas le regard qui nous relie. »
La partition des autres dans la tête
Dans sa préparation, Maxime intègre très tôt l’écoute des autres : « Je travaille ma partie mais je note les rythmes des autres. Je joue avec un enregistrement dans le casque, je double ma partie. J’en cherche plusieurs sur YouTube, c’est amusant : on peut jouer avec les plus grands ! »
Léon Haffner, violoniste de 27 ans, achève un master à la Hochschule für Musik Hanns Eisler à Berlin. Il ne connaît pas les autres musiciens de ce plateau, mais il aborde la pièce comme premier violon avec une méthode bien à lui : « J’aime regarder les partitions entières sans les jouer, car ça se passe déjà beaucoup dans la tête. J’ai besoin de savoir ce que les autres vont proposer pour trouver ma place. »
Une tournée qui promet une claque musicale
Pas de compétition sur la tournée Un Été en France. On vient y chercher des rencontres, une expérience nouvelle, le contact avec un nouveau public. Maxime Grizard, le premier violoncelliste, attend beaucoup de cette tournée et du jeu avec Gautier Capuçon : « C’est une chance ! Gautier est un violoncelliste que j'écoute depuis que je suis petit, je regardais déjà ses masterclasses quand j’avais 11 ans. Je ne l’ai jamais entendu en live en musique de chambre, donc je suis très curieux de voir de quelle façon il va adapter son jeu si puissant ! »
Coline aussi espère un déclic artistique : « J’attends que ça me marque, que ce soit une source de motivation et de progression. On oublie, parfois, ce que ces moments peuvent produire. Souvenir de Florence, c’est du feu, c’est très romantique, et avec la personnalité musicale de chacun, je pense que ce sera un magnifique tableau, riche de couleurs. »