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Trouver des repères au milieu de la fragmentation

Publié le 30/04/2025

Les tarifs douaniers et les incertitudes politiques pèsent sur l'économie mondiale. Les premiers mois de 2025 ont conduit les économistes à réduire leurs prévisions de croissance et les marchés financiers à réévaluer les primes de risque. Cette trajectoire de croissance lente avec un risque de récession n’est pas inhabituelle, mais elle s’accompagne de changements structurels durables dans un ordre mondial plus fragmenté.

Le dynamisme de l’activité aux États-Unis, qui a dopé l'économie mondiale, semble remis en question. Si la promesse de déréglementation offre des perspectives positives, la réorganisation des chaînes de valeur mondiales causée par les tarifs douaniers, et la baisse des flux d'immigration, risque d’augmenter l’inflation et d’affaiblir structurellement la croissance américaine.

Le risque haussier pour l'inflation, alors que le marché du travail se détériore, pose un défi à la Réserve fédérale dans l'équilibre de son mandat : maintenir le plein emploi, des prix stables et des taux d'intérêt à long terme modérés. Les pressions sur la banque centrale, les menaces sur son indépendance, ainsi que le souhait de l'administration de déprécier le dollar contribuent à éroder le statut traditionnel de valeur refuge des obligations américaines.

La Chine et l'Europe ne peuvent plus compter sur l'économie américaine pour soutenir leur activité atone et doivent rechercher d’autres moteurs. En Chine, le lent dégonflement de la bulle immobilière touche à sa fin, mais l’ampleur des surcapacités industrielles pose un défi. La clé serait d'encourager les consommateurs à dépenser davantage. Au-delà d'un coup de pouce fiscal, cela nécessite une réflexion sur les filets de sécurité à créer pour donner confiance aux consommateurs et les inciter à réduire leur taux d'épargne structurellement élevé.

En Europe, la nouvelle boussole de compétitivité de l'UE s'appuie sur trois priorités identifiées dans le rapport Draghi, à savoir (1) combler l’écart d'innovation, (2) établir une feuille de route pour la décarbonisation et la compétitivité et (3) réduire les dépendances excessives et accroître la sécurité. Des projets sont engagés visant la simplification, l’approfondissement du marché unique, le renforcement de la qualité des emplois, une coordination plus forte et le financement de la compétitivité, notamment avec l'Union d’épargne et d’investissement. Les États membres disposant de marges budgétaires, comme l’Allemagne, cherchent à renforcer à la fois leur défense et leurs infrastructures.

Cette boussole de compétitivité de l'UE offre une perspective de croissance durable. Combinée à la perception du maintien de l’indépendance de la banque centrale, elle explique le changement favorable du sentiment des investisseurs envers l'Europe, comme le reflète la performance relative des marchés boursiers et de l’euro. Les risques de récession cyclique demeurent, mais il existe des opportunités structurelles à saisir.

  • Michala Marcussen

    Chef Économiste du Groupe et Directrice des Études économiques et sectorielles